Révélations interdites by Piet Legay

Auteur:Piet Legay [Legay, Piet]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Science Fiction
ISBN: 2-265-04763-5
Éditeur: Fleuve Noir
Publié: 1992-03-14T16:00:00+00:00

CHAPITRE IX

— Et maintenant ?

— Eh bien disons que maintenant les choses vont beaucoup mieux.

— Parce que ta guimbarde va rendre l’âme d’une seconde à l’autre ?

— Non. Parce que je n’ai plus mal au crâne.

— C’est d’un drôle !

Arrêté près d’un gros bloc de lave noire qui semblait irradier toute la chaleur emmagasinée le jour, Speeks scrutait le bush qui s’étendait à perte de vue dans le soleil couchant. Finalement, avec un long soupir, il posa son front gluant de sueur sur le volant. Trois fois déjà, ils avaient failli être surpris par des patrouilles de l’armée kenyane et chaque fois ils n’avaient dû leur salut qu’à un demi-tour précipité. Des hélicoptères avaient aussi traversé le ciel flamboyant mais ils ne s’étaient pas intéressés à eux.

— Tu vas quitter la piste et dormir ? demanda Grace qui tombait d’épuisement.

— Surtout pas ! C’est maintenant qu’il va falloir foncer. On a moins de chance de se faire piéger en roulant tous feux éteints et en piquant droit à travers le bush. En ce moment, tout ce qui porte un uniforme dans ce pays doit grenouiller autour du nuage.

— Ça te semble normal, tous ces camions ?

Il essuya une goutte de sueur qui roulait sur l’arête de son nez et plissa les yeux pour observer le petit manyatta (8) blotti à l’abri de son infranchissable périmètre d’épineux.

Totalement affolés par les cris et les coups de feu, zébus et chèvres se ruaient par l’unique porte pour se disperser dans les hautes herbes, futures proies des prédateurs de la nuit.

— Mais rien n’est normal ici ! Même le fait qu’on les ait vus avant qu’ils nous piègent est anormal.

Il embraya soudain la marche arrière et se réfugia avec prudence sous une monstrueuse fougère arborescente.

À près d’un mile, un peu en contrebas et à côté d’une cascade, s’étirait un long village né d’un carrefour de pistes. Ils en approchaient, se demandant comment diable ils pourraient le contourner sans se faire repérer, lorsque les camions militaires avaient surgi, tous ensemble et de trois directions différentes !

Piégés dans leur propre village transformé en souricière, pas un seul Masaï n’avait pu s’échapper. Hommes et femmes n’avaient pu que refluer à l’intérieur des cases. Les soldats en treillis camouflé s’étaient jetés dessus comme des léopards affamés.

Estomaqué, Speeks avait alors entendu des cris aigus qui n’étaient pas tous des cris d’effroi…

Et maintenant, ils embarquaient de force les villageois dans les camions bâchés, hâtant le mouvement par de courtes rafales tirées en l’air.

— Où les emmènent-ils ? demanda Grace.

Le Canadien haussa les épaules.

— Je pense qu’ils les évacuent. Peut-être vers la Tanzanie.

Le soleil qui achevait de se coucher, dressait au-dessus du manyatta un de ces décors dignes des premiers films en technicolor. Cramoisi, le ciel restait étonnamment pur tandis que les premières grappes d’étoiles s’y accrochaient.

— Tu vas attendre qu’il soient partis ?

Il réfléchit un instant. Son estomac criait toujours famine. La seule différence était qu’il n’avait plus la gueule de bois. Mince réconfort !

— Mieux vaut attendre la nuit.

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